Défi 30 jours/ 30 articles #11 – Retour de France / de Russie / de Chine – Les divisions du mouvement communiste vietnamien.

            L’appellation « retour de … » est largement utilisée par les auteurs pour déterminer les lieux de formation des cadres communistes vietnamiens et leurs conséquences historiques et politiques.

            En effet les mouvements des Vietnamiens partis se former à l’étranger va largement influencé le déroulement de la guerre d’indépendance et la méthode choisie pour gouverner ensuite.

            Il est entendu que si les influences sont extrêmement fortes au début du mouvement indépendantiste et communiste vietnamien (du fait de l’absence d’organe de formation au Vietnam) elles diminuent au fur et à mesure que le temps passe et que la guerre ou la situation économique finissent par primées.

Le nombre de personnalités classés dans les « retours de France » étant infime par rapport au deux autres pays de formation, on insistera d’avantage sur ces derniers. A noter cependant qu’Ho Chi Minh, bien qu’également formé à Moscou, est considéré comme un « retour de France » car ayant participé à la formation du Parti Communiste Français. Nguyen Van Tao, délégué « annamite » du Parti Communiste Français, organisateur des mouvements vietnamien en France et principal artisan de la prise de pouvoir communiste à Hanoï en 1945 ou encore Tran Van Giau, organisateur du mouvement étudiant à Paris, organisateur des université révolutionnaires dans les prisons politiques et principal artisan de la prise de pouvoir Viet Minh à Saïgon en 1945 méritent cependant d’être cité.

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Carte de membre de l’école du Komintern de Le Hong Phong lors de sa formation en URSS.

Chronologiquement les retours de Russie sont les premiers à apparaître. Ils constituèrent l’avant garde du Parti Communiste Indochinois dès les années 30 et subirent une répression féroce de la Sureté Française qui, avant l’arrivée des japonais, démantela rapidement les principales organisations indépendantistes vietnamiennes. Plusieurs noms des victimes de ce mouvement sont encore honorés au Vietnam pour leur sacrifice, on peut citer parmi les plus importants : Le Hong Phong (membre fondateur du Than Nhien pour la formation des cadres et organisateur puis dirigeant du PCI après la « décapitation » du mouvement par les autorités coloniales, mort au bagne), Tran Phu (premier dirigeant du PCI, mort au bagne) ou encore Ha Hui Tap (dirigeant du PCI entre 1936 et 1938, exécuté en prison). Cette première vague de cadres formés à l’étranger apporta les techniques de « subversion » et de propagande soviétique et formèrent nombres de compatriotes à ces techniques

Ils sont peu après relayés par les « retours de Chine » (même si certains vietnamiens étaient allé se former dans les universités révolutionnaires chinoises auparavant) dès 1945 avec le retour des officiers vietnamiens ayant participé à la campagne des communistes chinois contre les Japonais et à celle contre le Kuomintang qui fit basculé la Chine dans le camps communiste. Dès lors, la proximité facilitant, les cadres vietnamiens vont se former chez le grand voisin du Nord qui envoie en masse de l’équipement et des conseillers militaires et politiques. A ce moment la sphère politique Viet Minh est complètement dominée par les cadres formés en Chine.

Ainsi dès la première réforme agraire (sur le modèle maoïste) en 1951, l’influence chinoise est déterminante sur les affaires vietnamiennes et ce jusqu’au début des tensions avec Pékin que l’on peut faire remonter à 1972, lorsque Mao rencontre Nixon, même si le point de rupture indépassable est 1979, lors du coup d’envoi de la troisième guerre d’Indochine et de l’attaque chinoise sur le nord du Vietnam en soutien de leurs alliés Khmers Rouges.

Trial of a Bourgeois Landowner
Un tribunal spéciale durant les réformes agraires. Celles ci avaient pour but de décupler la production par la répartition équitable des terres et l’élimination des « féodaux » ou grands propriétaires afin de faire émerger « l’homme nouveau ». Executé sur le modèle maoïste, celles ci furent des échecs qui entraineront la démission de Chuong Trinh (premier secrétaire du PCV) et les excuses publiques de Vo Nguyen Giap.

Cette influence est absolument décisive dans les premiers moments de l’indépendance lorsque qu’en 1956 la déstalinisation lancée par Khrouvtchev lors du XXème congrès du PCUS ouvre une période de relâchement dans le pouvoir autoritaire chinois et vietnamien connu sous le nom du mouvement des cents fleurs « Cents fleurs ». Le mouvement est cependant vite stoppé par Mao revendiquant, du fait de la mort de Staline, la « véritable » orthodoxie marxiste-leniniste et retournant à la terreur stalinienne par le biais de la police politique.

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Tran Quoc Hoan

Le même phénomène se produisit au même moment au Vietnam où la quasi totalité de la police politique a été formé à l’école chinoise et s’est déjà illustrée dans la « rectification des cadres », l’épuration du Parti et dans la campagne de transformation vers « l’homme nouveau » menée dans les maquis Viet Minh. La police politique a alors un pouvoir tel que le chef de celle ci, Tran Quoc Hoan, aurait violé et fait assassiner la femme cachée d’Ho Chi Minh en 1957 (celui ci étant considéré comme trop pro soviétique)[1]. Suite à sa disparition ce chef de police a disparu de l’histoire officiel du pays.

            La dissension sino-soviétique éclata au grand jour en 1960 et les dirigeants du Nord Vietnam prirent largement parti pour Pékin lors du 9ème plénum du parti en 1963 après que la position neutre se soit avérée complètement intenable. Des purges furent alors de nouveau organisée et certains ne durent leur survie politique et physique qu’à leur incroyable popularité comme le général Giap qui fut néanmoins mis à l’écart un bon moment[2].

            Le comportement des « camarades » Chinois et leur volonté de plus en plus patente d’étendre leur influence dans l’arrière cour vietnamienne au Cambodge provoquent à nouveau une rupture dans les positions du PCV cherchant « l’équidistance » entre les deux « grands frères » communiste. L’irréparable sera commis en 1979 avec l’intervention au Cambodge par le Vietnam et la guerre sino-vietnamienne.

[1] Céline Marangé, Le Communisme Vietnamien (1919-1991). Construction d’un Etat Nation entre Moscou et Pékin, les Presses de Science Po, 2012, p.267 à 278.

[2] Idid, p.304 à 312

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